Economie

Richesses minérales du Qaidam.

Lucette Boulnois 22 août 1998

Pas de paysage plus désolé, pas de terres plus hostiles à l'homme, plus impropres à la culture, plus abandonnées des dieux et désertées par les humain que le bassin, ou dépression (encore qu'à plus de 3000 m d'altitude) appelé le Qaidam.

Située loin à l'ouest du lac Koukonor, à peu près entre le 91e et le 98e degrés de longitude est, au nord du 36e parallèle, cette vaste zone couvre environ 250 000 km2 sur les 721 000 km2 du territoire de la province du Qinghai.
Ce désert froid, constellé de marécages saumâtres, jadis presque inhabité, est cependant devenu depuis une vingtaine d'années, source de grandes espérances en matière économique pour l'industrie pétrolière et chimique, espérances qui devraient faire du Qaidam, vers l'an 2000 un pilier de l'économie de la province et fournir à des besoins importants de l'économie chinoise dans son ensemble.

Le Qinghai, dont 96% du territoire sont des terres à pâturages, est traditionnellement une des grandes régions d'élevage de la République chinoise avec un cheptel de l'ordre de 22 millions de têtes (ovins, caprins, yaks, chevaux) qui fournissent de la matière première (laine, cuirs et peaux, viande, lait) à une importante industrie de transformation.
Dans le domaine de la culture des céréales et des oléagineux, c'est un petit producteur. Mais la richesse du Qinghai moderne doit beaucoup à ses ressources minérales spécialement depuis les grandes opérations de prospections, en toutes branches de l'histoire naturelle et entre autres en géologie minière, effectuées dès les années 1960 et surtout depuis 1979, sur tout le plateau Qinghai-Tibet.

Le Qinghai est devenu un pays d'industrie lourde et d'industrie légère, possesseur de sources d'énergie modernes, traversé par des routes automobiles, doté d'un embranchement de ligne ferrée reliant Xining à Golmud, ancien bourg minuscule devenu centre industriel, par où passe la grande route Xining-Lhasa et d'où part l'oléoduc Golmud-Lhasa.

Parmi ces richesses minérales, la région du Qaidam occupe une place particulière ; les espoirs qu'elle suscite pour l'horizon 2000 ont été soulignés encore récemment dans des communiqués de l'agence Xinhua des 17 et 25 mars 1998, suivis d'autres bulletins fin avril, relançant l'intérêt pour ses réserves, les unes traditionnelles comme le sel alimentaire (chlorure de sodium) et le borax (borate de sodium hydraté), les autres nouvelles, comme les sels de potassium, de magnésium, de lithium, les sels de bore autre que le borax, tous produits des lacs ; et d'autre part, pour ses importantes réserves en pétrole et gaz naturel.

La dépression du Qaidam recèle de nombreux lacs salés dont les plus importants sont le lac Qarhan, le Da Qaidam et le Xiao Qaidam pour ne citer que les plus riches, industriellement parlant. Ces lacs, dont les teneurs en sel se sont concentrées au long des millénaires par la force des rayons solaires à haute altitude, lacs qui se rétrécissent, l'évaporation étant très supérieure à l'apport d'eau (certains sont alimentés par des sources chaudes), sont parfois réduits à n'être plus que des marais saumâtres ou des croûtes de sel recouvertes de quelques centimètres d'eau... Leurs réserves en sels utiles sont énormes.

Le lac Qarhan est situé à 800 km à l'ouest de Xining, entre 95° et 96° de longitude est, au nord du 36e parallèle, à 2 677 m d'altitude. Au sein d'un marais saumâtre de 5 856 km2, ce qui reste de lac à proprement parler ne fait plus que 1500 km2. Une couche dure de chlorure de sodium, épaisse de plusieurs dizaines de centimètres, le recouvre. Les dépôts de sel alimentaire alternent avec des couches de sylvinite ou halosylvite (association de chlorure de sodium et de sylvine ou sel de potassium). Sylvinite et carnalitte sont la base d'engrais potassés.
Or, près d'un tiers des terres arables de Chine souffrent d'un déficit en potassium, d'où une forte demande pour ces engrais ; le lac Qarhan serait le plus grand gisement de sels potassiques et magnésiens de toute la Chine ; on a construit en 1990 une grande usine d'engrais sur e bord sud du bassin du Qaidam ; pour développer cette base, un accord sino-israélien (déjà en pourparlers en 1992) a été signé en joint-venture pour la production de chlorure de potassium et de sulfate de potassium : c'est un des projets-clefs de l'économie du Qinghai pour les années qui viennent.

Le lac marécageux du Da Qaidam, situé un peu au sud du 38e parallèle entre 95° et 96° de longitude est, à 3 100 m d'altitude, a une évaporation 40 à 50 fois supérieure aux précipitations (qui ne dépassent pas quelques dizaines de millimètres par an).
Il contient 9 sortes de borates, du chlorure de sodium, de la mirabilite (ou sulfate de sodium naturel), et d'autres sels encore, en tout 21 minéraux différents.

Le lac du Xiao Qaidam, un peu au sud du Da Qaidam, est riche en borates. Parmi les borates, le plus anciennement connu, e borax, était utilisé jadis comme fondant en métallurgie et orfèvrerie, ainsi que comme mordant en teinturerie, comme antiseptique, pour la glaçure des poteries et porcelaines, etc. Aujourd'hui il est utilisé principalement dans la composition des fibres de verre pour matériaux isolants, comme renforçateur du verre, il entre dans la composition des matières plastiques très composites utilisées dans l'aviation et l'automobile, et sert à toutes sortes d'autres usages encore. Les borates des lacs du Qinghai ont un vaste marché dans les domaines de l'industrie légères, de la chimie, des matériaux de construction et de l'industrie électrique. Quand aux sel alimentaire, les lacs du Tibet et du Qinghai fournissent depuis des siècles aux besoins de la population et à ceux des pays voisins, et les réserves sont, dit-on, inépuisables. Aussi précieux, et peut-être plus précieux encore que le potassium et le magnésium, pour la République chinoise, sont les sels de lithium, également présents en quantité très intéressante dans les lacs du haut-plateau Qinghai-Tibet, et particulièrement dans ceux du Qaidam.
Selon les communiqués de l'agence Xinhua mentionnés plus haut, le bassin du Qaidam contient en sels de potassium, magnésium et lithium, plus de 90% de ce qui se trouve en République populaire de Chine.
Les sels de lithium ont de multiples applications en métallurgie, dans les céramiques devant résister à des chocs thermiques, en chimie organique, en médecine ; c'est une matière première dont il n'y aura jamais trop pour la métallurgie, les industries légères (ils sont utilisés, par exemple en teinture des tissus), pour l'électronique et pour les énergies nouvelles. Ils constituent le carburant essentiel pour la bombe thermonucléaire, les fusées, les sous-marins nucléaires, les avions à réaction de type nouveau. Les besoins mondiaux sont en croissance rapide, particulièrement dans le domaine des piles au lithium. Les États-Unis contrôlent actuellement les trois quarts de la production mondiale de carbonate de lithium, mais les réserves que recèlent le Qinghai et le Tibet seraient à même de contre-balancer fortement cette prédominance américaine. Les sels de magnésium, outre leur usage dans les engrais, sont utilisés en métallurgie, permettant des alliages utiles pour les avions, les engins incendiaires, des éléments des centrales nucléaires.

Le Qaidam recèle d'autres grandes richesses : d'importants dépôts de pétrole et de gaz naturel. Les puits de pétroles sont situés dans l'ouest du bassin, terres inhospitalières entre 3 000 et 4 000 mètres d'altitude, les forages dépassant parfois 4 000 mètres de profondeur. L'extraction du pétrole y employait déjà 20 000 ouvriers en 1979. La production de brut, de 575 000 tonnes en 1987, est passée à 1 millions de tonnes en 1991, à 1 600 000 tonnes en 1997. Une grande raffinerie a été crée à Golmud en 1990. D'année en année de nouveaux sites pétrolifères sont découverts et mis en exploitation dans cette région prometteuse.

Dans les années 1990, on a développé la prospection et l'exploitation de dépôts de gaz naturel, contenant 90% de méthane, situés à moins de 2 000 mètres de profondeur. La production de gaz naturel a atteint, en 1997, 200 millions de mètres cubes. L'ampleur des réserves et les conditions d'exploitation ont incité le gouvernement central chinois à concentrer ses efforts, dans les années qui viennent, sur l'exploitation du pétrole et du gaz naturel du Qaidam, qui devrait fournir, en l'an 2005, une production de 5 millions de tonnes de pétrole brut et 5 milliards de mètres cubes de gaz nature, ce qui représenterait alors, selon e bulletin d'information Xinhua du 17 mars 1998, 1/30 ème de la production chinoise totale de pétrole et de gaz, faisant de la province du Qinghai le quatrième producteur de Chine pour ces deux produits, après le Sichuan, la zone Shaanxi-Gansu-Ningxia et le bassin du Tarim au Xinjiang.
De nouveaux oléoducs s'ajouteront aux deux déjà existants ; de grands complexes pétrochimiques seront créés.

Enfin, le bassin du Qaidam recèle encore des métaux non-ferreux et des minéraux non-métalliques, l'accent étant mis actuellement sur les espérances que font naître d'importantes réserves de minerai d'amiante. Au cours des cinq dernières années, ont été créés au Qinghai sept grands pôles industriels : produits de l'élevage, engrais potassés, pétrole, électricité, ferrosilicates, industrie chimique à base de sels (des lacs), herbes médicinales de la médecine traditionnelle chinoise. Pour trois d'entre eux, le Qaidam joue un rôle prépondérant. Avec ses derricks, ses usines, ses oléoducs, ses camions, sa voie ferrée, nous voilà loin des récits des voyageurs qui ont fait rêver: le Russe Nikolaï Prjevalsky, l'Anglais Peter Fleming ou le Japonais Hisao Kimura...

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