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Khol sa steng, un village amdowa du Qinghai.Khol sa steng est un village entièrement tibétain de 46 familles (350 habitants), situé à 2300 mètres d’altitude environ. L’activité principale est l’agriculture et l’élevage. Le village est construit à flanc de montagne, sur un versant nord. Il est entouré d’une trentaine d’hectares de champs disposés en terrasses et pour la plupart bordés de canaux d’irrigation. On y produit essentiellement du blé, de l’orge et des pommes de terre. Il existe un système de distribution des terres qui attribue 10,6 ares à chaque personne. Les familles cultivent donc en moyenne entre un demi hectare et un hectare. Les légumes, principalement des choux et des navets, sont plantés dans des jardins potagers à proximité des maisons. Mais aujourd’hui, les récoltes sont menacées par un grave problème de pénurie d’eau provoqué par une déforestation massive et une mauvaise gestion des ruisseaux en amont du village, situation aggravée par un fort accroissement de la population. Chaque famille possède, en outre, un petit cheptel : quelques chèvres, quelques brebis, un cochon, une ou deux vaches, un âne, une mule, et très rarement une ou deux poules. Seules deux familles ont un cheptel plus important composé de yaks et de chèvres qui sont gardés par les femmes dans les pâturages à quelques heures de marche du village. Il n’existe aucun commerce à Khol sa steng, tous les produits manufacturés viennent de Maketang. La farine nécessaire à la fabrication des pâtes et du pain est produite par deux minotiers chez qui les habitants portent leur blé. Certaines familles, outre l’agriculture, augmentent leurs revenus grâce à une petite activité artisanale : bottes et robes tibétaines, thangkas (peintures religieuses sur toile), objets rituels en bois, hottes d’osier, balais, ou par de travaux de charpente et de maçonnerie. Quelques marchands ambulants quittent aussi leur famille pendant plusieurs semaines et commercent principalement avec les nomades des pâturages. L’exode rural ne parait pas être important et rares sont ceux qui partent travailler au bourg, hormis quatre ou cinq personnes devenus instituteurs ou agent d’administration. L’électricité est présente à Khol sa steng depuis le milieu des années 80. Chaque maison possède un compteur particulier. Mais il arrive bien des soirs qu’elle soit coupée car certaines familles n’ont pas les moyens de payer leur facture (6 yuans/mois en moyenne, soit l’équivalent de 4,30 francs), et c’est tout le village qui se trouve périodiquement privé de lumière. Les garçons se marient généralement avec des femmes des villages alentours ou, plus rarement, de Khol sa steng même. Ils restent au village où ce sont les cadets qui, en principe, assurent la continuité de la maison paternelle, tandis que les autres frères fondent leur propre maison. S’il n’y a pas d’héritier mâle dans une maison, c’est alors la fille cadette qui perpétue la lignée en épousant un homme venu de l’extérieur. Les mariages sont décidés par les familles aidées par un entremetteur qui négocie le prix de l’épouse. Ces tractations ont lieu lors de réunions auxquelles sont conviés des représentants de chaque famille appartenant au clan de la future mariée. Une partie des garçons devient moines, principalement au monastère bouddhique voisin de Lamo Dechen, d’obédience gelugpa (bonnets jaunes). Les familles les plus aisées ont une chapelle privée dans leur maison. C’est une petite pièce où sont placées des statues et des images des divinités bouddhiques ainsi que des photographies de grands maîtres religieux et devant lesquelles sont alignées des lampes à huile et des coupelles d’eau, symbole de pureté. On y vient pour prier ou méditer devant l’image du Dalaï lama, d’autant plus présent qu’il est originaire de la région. Les familles plus modestes installent un petit autel dans la pièce principale, dans un placard dont les portes sont ouvertes au moment des prières. Les maisons sont construites sur des terrains communaux attribués par le village. La communauté villageoise aide à la construction de l’enceinte de terre de 5 mètres de hauteur et d’une circonférence de près de 80 mètres. C’est une enceinte aveugle qui a pour seule ouverture le portail. Il conduit à une cour intérieure centrale autour de laquelle s’ordonnent les différentes parties de la maison surmontées de toits terrasses, les étables étant séparées des habitations des hommes par un muret muni d’une barrière. L’habitation principale est composé d’une vaste salle entièrement lambrissée. De 8 mètres de long sur plus de 5 mètres de large, elle sert tout à la fois de cuisine, de salle de séjour et de chambre à coucher. Le lit est constitué d’une plate-forme en maçonnerie, un kang, de 50 cm de hauteur qui occupe tout le fond de la salle sur une largeur de 2 mètres. Le conduit de cheminée du fourneau, bâti en briques réfractaires, passe sous la plate-forme du lit et chauffe les tapis de feutre sur lesquels dort toute la famille. Dans la journée, on replie les couvertures, on installe des petites tables basses, et le lit se transforme en salon où l’on reçoit les invités. Chaque année, les hommes élisent un chef de village. Celui-ci est responsable auprès des autorités locales. Il décide de l’exploitation des communaux et organise les travaux d’intérêt collectif. Le Parti communiste est également représenté en la personne du fils de l’ancien chef traditionnel du village. Mais l’Etat, après avoir été omniprésent pendant 20 ans, régentant les moindres gestes des individus, semble se désengager de la vie politique locale, produisant un vide devant lequel les collectivités locales doivent réagir. L’exemple de l’école illustre bien cette situation. Khol sa steng est lié par des attaches claniques à trois autres villages, sPrul lce, Klu rgya et Nyamo. L’école actuelle, une école primaire "ethnique", reçoit les enfants de trois de ces villages, soit en 1996, 189 enfants pour une population de 1350 personnes environ. (sPrul lce, situé en aval de l’autre côté de la vallée, au delà de la rivière, possède sa propre école). Elle a été construite par le gouvernement en 1985 et elle est constitué de deux corps de bâtiments comprenant une dizaine de salles de classe, la plus grande n’excédant pas 20 m². À l’époque, le Département de la Culture du district a fourni 10 doubles tables et 20 tabourets. Huit instituteurs y enseignent, nommés et rémunérés par le Département de la Culture et de l’Education. Six d’entre eux vivent sur place durant la semaine dans une pièce unique. Aujourd’hui, faute d’entretien car aucun frais de fonctionnement n’est prévu, les salles de classes offrent un aspect d’extrême délabrement. Les programmes prévoient l’enseignement du tibétain et du chinois mais le niveau dans cette langue parait très faible. Les représentants des trois villages ont a plusieurs reprises demandé aux autorités locales d’améliorer les conditions et la qualité d’enseignement, mais leurs souhaits sont restés sans réponses. Mais on ne saurait parler de la vie socio-économique d’un village sans aussi évoquer les qualités de ses habitants. Ce qui frappe depuis toujours les voyageurs des régions tibétaines est encore vivant : la gaieté et le rire qui sont comme un contrepoint à la dureté du climat et des conditions de vie. On se moque les uns des autres, on se taquine, on sourit beaucoup. Cette atmosphère de bonne humeur et de joie de vivre résulte peut-être du bouddhisme tibétain dont l’enseignement a pour but avoué d’apprendre aux hommes à être heureux. Les structures traditionnelles encore solides permettent aussi des échanges familiaux et des rencontres festives d’où sont absentes la méfiance et la peur. Et l’étranger de passage, accueilli aussi chaleureusement qu’un parent, à qui l’on offre des écharpes blanches, couleur des dieux, ne peut rester insensible au fragile équilibre que ces sociétés villageoises cherchent à préserver et qui pour se maintenir a besoin aujourd’hui de s’ouvrir au monde. 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